JESUS VOLT: Jesus Volt (2016)

TRACKS :

01. Bullseye

02. Blood on the Dancefloor

03. Baby We're On

04. I'm a Jerk

05. Party

06. Money Man

07. Sons of Rome

08. 666 Devil Woman

09. The Chant

10. Burn with Me

FORMATION :


Jacques "El Tao" Méhard-Baudot (Guitares)

Julien Boisseau (Basse)

Xavier "Lord Tracy" Cottineau (Chant / Harmonica)

Olivier Hurtu (Batterie)

Mike Lattrel (Clavinet)

Comme je l'indiquais dans le compte-rendu du dernier festival de la Chapelle Saint-Luc, « les morceaux aujourd'hui proposés témoignent de (leur) maturité, d'autant que la set-liste fait la part belle aux morceaux du dernier album. Ils participent grandement à l'impact scénique du groupe : bien construits, plus mélodiques à mon sens que dans les premiers albums gavés d'énergie ». Et me voilà aujourd'hui dans la situation de vous faire partager mon opinion sur les versions studio de ces fameux morceaux. Si cela peut en rassurer certains, mon opinion n'a pas varié malgré de multiples écoutes et je pense toujours autant de bien de l'évolution du groupe qui sait à merveille poser des ambiances très différentes, en particulier avec ce son épuré, fruit de la continuité de leur travail en studio avec Marc Opitz, où chaque élément trouve sa place et sa fonction.

D'emblée, le ton est posé : une rythmique très en place, remarquable tout au long de l'album, sur laquelle vient se poser brièvement l'harmonica de Lord Tracy, histoire de réveiller les troupes, et c'est c'est parti pour un « Bullseye » où le second degré qui fait partie de l'ADN du groupe garde la part belle. Ça tourne rond, très rond, avec un côté « tubesque » un peu inattendu avant que le solo électrisant et déjanté d'El Tao n'apporte une rupture en forme d'électrochoc. Du beau boulot ! La démarche consistant à prendre du blues ou une des musiques qui y sont associées pour essayer d'en pousser plus loin les limites trouve son application aussi, dans une ambiance très 70's, dans le funk moite de « Blood on the Dancefloor » soutenu par le clavinet de Mike Lattrel. « Au pays des merveilles de Juliette » rencontre «Miss You » dans une chaleur torride digne de Macao : six plombes du mat, ça sent le sang écarlate ! Et ça nous emmène vers le plus éthéré « Baby We're On » habité pourtant d'une tension qui ne demande qu'à exploser et qui finit par le faire au moment du refrain dans une déferlante irrésistible d'énergie qui nous fait penser aux meilleurs moments de la New-Wave. On se laisse prendre à ce surf sonore fort bien amené avant que Julien ne nous emmène vers une autre ambiance, très classieuse où le clavinet de Mike Lattrel revient prendre un peu de service dans un espace sonore très organisé propice à l'auto-fustigation de Lord Tracy (« I'm a Jerk »). El Tao en profite pour nous servir un formidable solo planant dans la lignée de David Gilmour et du rock progressif : on pique partout dans les influences. D'ailleurs, le titre suivant (« Party ») nous ramène via sa ligne de basse à « Radar Love », le hit des Bataves de Golden Earring, mais bien entendu pas de plagiat, juste des citations respectueuses entre initiés car, si l'ambiance frénétique reste conservée, le morceau n'a rien à voir au final avec celui qu'il cite. Une nouvelle fois, le décoiffant solo d'El Tao vient servir le titre en ajoutant brièvement un surcroît d'exaltation speedée. Atmosphère plus tumultueuse avec « Money Man », mais toujours avec cet espace dans les arrangements et le mixage qui permet une excellente mise en relief des ingrédients, et cette accélération débouchant sur le refrain ou le solo (une nouvelle fois remarquable), emportant l'auditeur dans le tourbillon créé. L'intro de « Sons of Rome » met Olivier Hurtu en évidence. Son travail tout au long de l'album force le respect tandis que le refrain-hymne semble avoir été conçu pour électriser les audiences en concert. Le solo d'El Tao fait à nouveau merveille, un véritable plaisir qui évite à chaque fois la complaisance.

L'album se termine par un trio de morceaux rendant à chaque fois plus ou moins hommage à un autre trio, texan cette fois, dont ils ont d'ailleurs fait la première partie : rythmique typique du rock texan pour le réjouissant « 666 Devil Woman », avec la voix d'outre-tombe tellement appréciée aussi d'un certain Billy, mais habillée façon Jesus Volt avec toute la personnalité du groupe, se traduisant en particulier par cette accélération typique, pied à la planche (de surf ?), amenant un refrain plein d'allant, et un court solo d'harmo bien dans l'esprit. On bat du pied, on oscille du crâne jusqu'à cette fin bien nette permettant la jointure avec le blues poisseux de « The Chant », bottleneck et harmo plaintif de sortie pour dialoguer sur un tempo très modéré, puissant, presque lourd. Heavy blues ! Pour terminer, la version studio de « Burn with Me », aussi frénétique qu'un « Manic Mechanic », nous confirme son impact remarqué sur la scène de La Chapelle St Luc. Solo technique mais aussi très juteux de la part d'El Tao et on fonce droit vers la virée pleins pots avec virages sur les chapeaux de roue avant de voir s'échapper les bolides dans la poussière du désert…
Alors certes, seulement dix titres (sur les 17 amenés en studio : l'écrémage a été sévère !), le plaisir s'interrompt un peu vite, mais cet album recèle tellement de richesses et de diversité pour qui sait l'écouter que vous ne serez certainement pas lassés au bout de deux écoutes. Alors on pardonne à Jesus Volt cette relative brièveté (une quarantaine de minutes quand même !) et on repart pour un nouveau tour, histoire de découvrir encore deux ou trois petites choses. Lord Tracy se demandait si cet album allait tenir la route avec les années : il est fort à parier que non seulement ce sera le cas mais qu'il servira aussi de repère important , et pas seulement pour le groupe ! Si vous aimez les références de ces musiciens, précipitez-vous sur cette réussite dans le genre.

Y. Philippot-Degand